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Une vue d’ensemble
L’épigénétique est un domaine de recherche scientifique en pleine croissance. Ce domaine vise à expliquer comment notre corps possède qu’un seul code génétique – le génome, contenu dans l’ADN – mais environ 200 types de cellules différentes qui réalisent chacune des fonctions distinctes. Par exemple, les cellules de nos yeux peuvent détecter plusieurs types de lumières, alors que les cellules de nos intestins se spécialisent dans l’absorption de nutriments.
Le terme « épi-génétique » (voulant littéralement dire « au-dessus des gènes ») a été conçu dans les années 1950 par l’embryologiste Dr. Conrad Waddington pour décrire comment une seule cellule peut se transformer en embryon. Au fil du temps, ce domaine a évolué vers l’étude des processus par lesquels les cellules ou les organismes peuvent acquérir différentes fonctions sans changer leur séquence génétique. Nous savons maintenant que l’épigénétique est contrôlée par un répertoire de protéines et de molécules qui manipulent l’ADN afin d’activer ou de désactiver les gènes, ce qui aboutit à différentes compositions et fonctions cellulaires. Nous devenons de plus en plus conscients que l’épigénétique est impliquée dans une gamme de maladies comme le cancer, les maladies autoimmunitaires, les troubles respiratoires et cardiovasculaires, ainsi que les problèmes neurodégénératifs.
En bref, l’épigénétique est une information additionnelle qui se superpose sur notre code génétique – c’est une information qui détermine comment le code génétique est utilisé. Par exemple, le code épigénétique dictera à une cellule du foie d’exécuter les activités du foie et une cellule du cerveau d’exécuter les activités du cerveau.
Utilisons comme analogie un manuel d’utilisateur qui décrit comment assembler une voiture. Si votre responsabilité est de placer les roues, vous n’avez pas besoins d’information concernant l’installation du pare-brise, le montage des sièges, ou l’assemblement du moteur. Afin de faciliter votre tâche, le manuel est divisé en plusieurs parties, chapitres, sections, et paragraphes pour que vous puissiez vous concentrer uniquement sur l’information requise pour installer les roues. Le manuel d’utilisateur est analogue à votre génome – il est composé de toute l’information dont vous avez besoin pour former un humain. Le plan et l’organisation du manuel reflètent la fonction de l’épigénome – soi-disant la biologie chimique qui indique aux différents types de cellules quelles portions du génome sont à lire. De cette manière, en travaillant sur la même information (votre génome), vos cellules peuvent organiser cette information (en utilisant l’épigénétique) et travailler en concert, chacune ayant leur propre rôle pour former et maintenir tous les tissues et organes de votre corps.
L’épigénome est dynamique
Le nombre croissant de références à l'épigénétique dans de nombreuses pratiques courantes en matière de santé et de bien-être ont été alimentées par l’accumulation de preuves sur les propriétés de l’épigénome, et en particulier sur sa nature dynamique; plus précisément, que l’épigénétique peut changer en réponse à l’environnement. Les données scientifiques montrent par exemple que le sommeil, le stress, et l’alimentation peuvent changer l’épigénome et par conséquence, modifier les processus biologiques des cellules, avec des implications potentielles sur la santé. Cette « plasticité » épigénétique indique que certains changements dans la structure ou fonction d’une cellule, d’un tissu, ou d’un organe, ne sont pas toujours permanents. De nombreuses sources suggèrent qu’un épigénome endommagé et lié à une maladie, pourrait être corrigé.
En parallèle avec notre analogie précédente du manuel d’utilisateur qui décrit comment assembler une voiture, les changements épigénétiques seraient comme des notes que vous aviez placé dans la marge du manuel : il est possible que vous barriez certaines étapes ou que vous en ajoutiez des nouvelles. Ceci changera la manière que vous lirez les instructions. Il est aussi possible de changer votre avis sur certains commentaires et de les effacer. Vous pourriez aussi renverser votre café et tacher une page importante. Si vous photocopiez ce manuel, toutes les marques et les taches seront copiées avec.
Les changements épigénétiques peuvent être transmis aux futures générations
Tout comme le manuel d’utilisateur photocopié, les changements épigénétiques qui se produisent au cours de notre vie peuvent être transmis, pour le meilleur ou pour le pire, à nos enfants et même à nos petits-enfants. Les femmes qui étaient enceintes durant La Famine Hollandaise – une famine sévère qui s’est déroulée aux Pays-Bas à la fin de la deuxième guerre mondiale – est un exemple concret de ce phénomène. Les enfants conçus durant cette famine ont connu des taux considérablement plus élevés de diabètes et de problèmes cardiovasculaires, que les enfants conçus après la famine. Les changements épigénétiques qui ont affectés les mères ont été transmis aux enfants. Ces changements auraient permis aux enfants de mieux endurer la famine, mais lorsque la nourriture est redevenue abondante, cela a produit des effets secondaires non-désirables.
Revenons aux bases
Il est possible que nous nous sommes avancés trop rapidement, donc revenons aux bases. Si vous êtes déjà confortables avec les notions fondamentales de l’ADN, n’hésitez pas à sauter la section suivante.
Le code génétique
Le code génétique, ou l’ADN (acide désoxyribonucléique), dans chacune de nos cellules est composé de quatre lettres : A, T, C et G. Tout comme les 1 et 0 du code binaire, l’ordre de ces lettres déterminent un message. Les lettres représentent quatre molécules, nommées les bases – Adénine, Thymine, Cytosine, et Guanine. Dans une seule cellule humaine, il y a plus de 3 milliards de bases liées ensembles pour former plus de deux mètres d’ADN.
Alors, que codent ces trois milliards de bases d’ADN ? Plus de 21,000 différentes protéines. Et pourquoi avons-nous besoin de 21,000 différentes protéines ? Parce-que les protéines sont les éléments fondateurs de la vie.
Les protéines donnent forme et structure à nos cellules ; elles décomposent les molécules que nous mangeons afin d’y extraire de l’énergie ; elles reproduisent notre code génétique pour permettre à nos cellules de se diviser ; elles maintiennent notre peau, nos organes, et nos tissus ; elles transportent l’oxygène à travers notre corps ; elles transmettent des signaux de nos orteils jusqu’à notre cerveau. En ce qui concerne les fonctions biologiques exécutées par notre corps, les protéines couvrent essentiellement tout.
Chacune de nos 21,000 différentes protéines sont codées par un petit bout d’ADN nommé un gène. Lorsqu’un gène est lu et utilisé pour fabriquer une protéine, nous appelons cela l’expression génétique. Le processus où le code génétique est lu et les protéines sont fabriquées se déroule en trois étapes :
- Tout d’abord, l’ADN est converti en ARN (acide ribonucléique). L’ARN ressemble l’ADN, mais peut être transporté en dehors du noyau où il peut être utilisé pour fabriquer des protéines.
- Une fois sorti du noyau, l’information codée par la molécule d’ARN est utilisée pour faire une protéine à partir de blocs fondateurs nommés les acides aminés.
- La protéine peut alors réaliser sa fonction biologique, soit toute seule, soit en se liant et en travaillant avec d’autres protéines.
Ce processus de trois étapes a reçu un nom sophistiqué : Le Dogme Central de la Biologie.
L’expression génétique
Les 200 différents types de cellules de notre corps ont exactement le même code génétique, à plus au moins quelques bases de différence. Alors comment ont-elles des fonctions si différentes ?
Nos 21,000 protéines ne sont pas toutes requises par chaque cellule en tout temps. Fabriquer autant de protéines inutiles serait un énorme fardeau pour nos cellules et une grosse perte d’énergie. Afin de préserver les ressources limitées de notre corps, les gènes peuvent être allumés ou éteints. Cela est le rôle de l’épigénétique – l’information placée au-dessus de notre code génétique et qui détermine quels gènes sont exprimés (allumés), et quels gènes ne le sont pas (éteints). Par exemple, une cellule du cerveau n’a pas besoin de réaliser les mêmes fonctions qu’une cellule du foie, donc elle éteindra les gènes essentiels pour les fonctions du foie, mais allumera les gènes exigés pour les fonctions de cerveau.
Les histones
Avant d’aller plus loin sur notre explication de comment les gènes sont activés ou éteints, nous devons d’abord parler de comment l’ADN est organisé.
Souvenez-vous que chacune de nos cellules contient plus de deux mètres d’ADN ? Nos cellules ont un diamètre compris entre 50 à 100 micromètres. Un micromètre fait un millionième d’un mètre ; la largeur d’un cheveu humain est environ 100 micromètre. Entasser deux mètres d’ADN dans un noyau de 5 micromètres peut se comparer à insérer un morceau de ficelle mesurant deux fois la longueur de la Californie dans un pois. Si vous preniez tout l’ADN de votre corps et le liais de bout-à-bout, l’ADN s’étendrait pour 16 milliards de kilomètres – l’équivalent d’un aller-retour à Pluton.
Afin d’insérer deux mètres d’ADN dans chacune de nos cellules, l’ADN est enroulé autour de protéines d’emballage, nommées les histones. L’ADN s’enroule deux fois et demie autour de chaque histone, pour former quelque chose qui ressemble à des perles sur un fil. L’hybride ADN-protéine, surnommée la chromatine, se condense encore davantage pour former les 46 chromosomes qui se logent dans le noyau.
Les modifications chimiques sur les histones
Durant plusieurs années, les scientifiques pensaient que les histones ne faisaient qu’emballer le matériel génétique. Il s’avère qu’elles jouent un autre rôle très important – elles fonctionnent aussi comme des « interrupteurs » qui allument et éteignent nos gènes.
Les portions du code génétique qui sont fermement enveloppées autour des histones ne peuvent pas être lues par nos cellules. Pour permettre au dogme central de la biologie de fonctionner, les interactions entre l’ADN et les histones doivent être relâchées. Cela est l’interrupteur. Les segments de l’ADN qui sont fermement enroulés autour des histones sont éteints alors que ceux qui sont moins bien enroulés sont allumés.
Alors comment contrôler cet interrupteur ? Nos cellules peuvent resserrer et relâcher les interactions ADN-histones avec des modifications chimiques sur les histones. Ajoutant un groupe chimique activateur causera les histones de devenir moins « collantes » et par conséquence, relâchera l’ADN pour permettre l’expression génétique. Les groupes chimiques répresseurs augmentent l’attraction entre l’ADN et les histones, donc resserreront cette interaction et empêcheront les gènes d’être exprimés.
Les modifications chimiques sur l’ADN
Comme la plupart des processus biologiques, l’expression génétique possède multiples niveaux de régulation. En plus des modifications chimiques sur les histones, les cellules peuvent éteindre l’expression des gènes en modifiant chimiquement l’ADN elle-même.
Au début de chaque gène se trouve un segment d’ADN nommé promoteur, qui indique à la cellule où commencer la lecture du gène. Sans promoteur, la cellule ne pourra pas trouver le début du gène. En modifiant chimiquement l’ADN dans ces régions promotrices par l’ajout de groupes chimiques nommés groupes méthyles, la cellule peut « cacher » ces promoteurs, et éteindre l’expression des gènes en question. Ce type d’interrupteur est appelé la méthylation de l’ADN. Cette méthylation de l’ADN peut être réversible afin de rallumer un gène subséquemment.